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Le 12 novembre 1826, J. A. D. Ingres, chevalier de la Légion d’Honneur, membre de l’Institut et professeur des Beaux-Arts, fit son entrée triomphale dans Montauban, qu’il n’avait pas revu depuis sa plus tendre enfance et qu’il ne reverrait qu’en effigie après sa mort. Son tableau du Vœu de Louis XIII l’y avait précédé de quelques jours et l’attendait, selon sa recommandation formelle, « que l’on n’y touche que par mes mains ». Pour le tendre lui-même sur le châssis, il avait ajouté : « Serai-je obligé d’apporter des tenailles » ? La lecture des lettres d’Ingres à Gilibert a appris le reste de ce voyage qu’en Méridional fait aux exagérations classiques, il compare une fois à l’Iliade, — lui, célébré par un poète de Molières, et « rendu plus heureux qu’Alexandre enviant la gloire d’Achille qui fut chanté par Homère », — et, une autre fois, à l’Odyssée, lui encore qui, « comme Ulysse, et bien mieux », conservait précieusement la mémoire des honneurs inouïs qu’on lui avait rendus  [1].

B. d’A.
  1. D’une lettre que M. Monunéja m’écrivait en 1897, j’extrais la note suivante : « Après le Salon de 1824, Ingres ayant, dit-on, refusé 80.000 francs de sa toile à M. de Villèle, l’expédia à Montauban, où il arriva lui-même peu de temps après, le 12 novembre 1826. Pourquoi cette peinture resta t-elle ainsi deux ans à Paris ? Je l’ignore et ne me l’explique qu’en songeant à la splendide gravure qu’en fît alors Galamatta. L’artiste déballa lui-même sa peinture et, le 17 du même mois, elle fut exposée dans une salle de la Mairie. Il y eut un grand banquet de 80 couverts, des pièces de vers insipides, des concerts et des discours. Le pauvre naïf maître but cette gloire avec délices, ne se doutant pas de ses revers burlesques et navrants. Enfin, le 22 du même mois, il assista à une messe solennelle (la messe du Sacre de Cherubini) et partit de Montauban pour n’y plus revenir.

     » Cependant, après quelques jours d’exposition publique à l’Hôtel-de-Ville, il fallut songer à placer le tableau à la Cathédrale. Mais alors il se trouva un intelligent archiprêtre pour découvrir les innocentes nudités du divin Bambino et des