Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/380

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dre, à leur place. C’est à notre belle solitude de Dampierre qu’elles sont arrivées.

Moi, je suis ici, comme un poisson dans l’eau.  Tu connais les lieux. Ajoute à cela d’y être bien, sous tous les rapports, et avec un entrain que je

    me fallait un petit brin d’action. Tous réunis dans un préau élevé sur lequel sont une treille et des arbres chargés de fruits, ils ont élevé là un autel de gazon. Un homme, acolyte d’un jeune garçon et d’une jeune fille, élève une noble action de grâce, tandis que les enfants portent dans leurs mains, l’un des fruits, les autres une coupe de lait.

    Derrière le prêtre s’agite une danse religieuse exécutée par des jeunes filles et un garçon maladroit qui joue des flûtes et qui est ramené à la mesure par la jeune fille qui conduit la danse, en frappant dans ses mains. En descendant, sont échelonnées beaucoup de figures, amants heureux, familles heureuses avec leurs enfants qui attendent sûrement l’heure du repos. Et toutes sont groupées autour d’un bassin de cristal qu’alimente une source sortant de sous l’autel.

    À droite est la majestueuse figure d’Astrée avec ses divines balances. Autour, des jeunes gens et des hommes forts. Tant que vous imiterez la justesse de cet instrument, dit Astrée, vous serez heureux. Un jeune homme baise le bas de son vêtement.

    Sur le premier plan, un jeune homme, de la nature des faunes, regarde sa jeune femme qui tient son enfant endormi. De l’autre côté, une femme appuyée sur son mari regarde avec intérêt leur jeune enfant se traînant pour aller à un lapin qui broute tranquillement.

    Tout cela est dans les natures très varié (à la Raphaël). Une jeune fille couronne de fleurs son amant ; d’autres font embrasser de jeunes enfants. Voilà les principales idées. J’ai pensé que tu aurais plaisir à les connaître, comme j’en ai à te les raconter.

    Cette lettre annula-t-elle les précédentes ? Il semble intéressant de les publier comparativement, soit comme un exemple de la conscience d’Ingres, qui savait corriger et compléter une lettre aussi aisément qu’un dessin, soit comme une nouvelle preuve de la tendance de son historiographe à recueillir et à condenser plusieurs documents en un seul.