Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/79

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nitivement fixé ici, j’ai été trois mois sans atelier, obligé d’être chez l’un, chez l’autre. Les ayant trouvés, nouveaux tourments et tracasseries, procès avec des ouvriers vomis par l’enfer, je crois, pour faire enrager un honnête homme qu’ils ont fait payer un tiers de trop, n’ayant demandé les deux autres que pour avoir l’air de travailler deux jours, je devais en courir quatre pour presque les prier. Un peu malade avec cela, je te demande combien bilieux et nerveux surtout, combien j’étais content !

Mais heureusement que les peines finies sont oubliées, et que je me vois possesseur de deux superbes ateliers, au milieu de Florence où, à présent, rien ne me manque pour y opérer, que des modèles d’homme. Chose singulière, ils font défaut dans une ville où il y en a beaucoup de femme et de très beaux. Mais, le mois prochain, il nous en viendra un de Rome pour ne servir uniquement qu’à nous, à nous seuls. Les hommes étant partout les mêmes, nous aurons l’agrément ici de nous passer d’eux.

Voici comme nous vivons chez l’ami Bartolini. Levés à six heures, nous déjeunons de café, à sept, et nous nous séparons pour occuper toute notre journée au travail, dans notre atelier. On se revoit le soir à sept heures pour dîner, moment de repos et de conversation jusqu’à l’heure du théâtre, où Bartolini va tous les soirs de sa vie. On se retrouve le lendemain, à déjeuner, et ainsi tous les jours. Cette vie uniforme, à la vérité, est celle qui convient à des artistes uniquement occupés de leur art.