Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/110

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fables et les plus modestes. Ceux qui ne craignent point pour leur place ne sont pas le moins du monde enclins à empiéter sur celle des autres ; tandis qu’il n’est rien d’agressif comme l’ambition de la bassesse : elle s’imagine qu’elle s’élève en humiliant ses voisins.

Comme j’ai mis en contraste ces deux familles, je dois mentionner leur manière d’être à l’église. La famille du gentilhomme était calme, sérieuse, attentive ; non qu’ils parussent avoir une dévotion bien ardente, mais plutôt un respect pour les choses sacrées et les lieux sacrés, inséparable d’une bonne éducation. Les autres, au contraire, ne cessaient de se trémousser et de chucho- ter ; on voyait que la conscience de leur toilette ne les abandonnait pas un instant, et qu’ils étaient tristement ambitieux de faire l’admiration d’une congrégation de campagne.

Le vieux monsieur était réellement le seul qui fût attentif au service. Il prenait sur lui tout le poids de la dévotion due par sa famille, debout droit et raide, et prononçant les répons d’une voix si élevée qu’on pouvait l’entendre de tous les points de l’église. Il est évident que c’était un de ces hommes qui crient toujours : « L’Église et le Roi » ; qui ne séparent pas les idées de dévotion et de loyauté ; qui considèrent la divinité, de façon ou d’autre, comme du parti du gouvernement, et la religion comme « une excellente sorte de chose qui doit être soutenue et conservée ».

Quand il se joignait si bruyamment au service, il semblait que ce fût surtout pour montrer l’exemple aux classes inférieures, leur faire voir que si grand, si riche qu’il fût, il ne dédaignait pas d’avoir de la religion ; comme je vis un jour un alderman, qui se nourrissait de tourterelles, avaler en public un bol de soupe de charité, passer sa langue sur ses lèvres à chaque bouchée, et la déclarer « une excellente nourriture pour les pauvres ».

Quand le service fut terminé, je fus curieux d’assister aux différentes sorties de mes groupes. Les jeunes nobles et leurs sœurs, comme le temps était beau, préférèrent prendre à travers champs, rentrer lentement à la maison, et causer, tout en cheminant, avec les gens de la campagne. Les autres s’en furent comme ils étaient venus, en grande pompe. Les équipages rou-