Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/157

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comme une excuse pour ce fortuit et si court aperçu de ces coutumes, après qu’elles ont été longuement et doctement étudiées dans d’autres ouvrages.

Je dois faire observer aussi que je suis bien convaincu que cet usage d’orner de fleurs les tombeaux existe encore dans d’autres pays que l’Angleterre. Certainement dans quelques-uns il est beaucoup plus général, et il est même observé par les classes riches et élégantes ; mais alors il est exposé à perdre de sa simplicité, à dégénérer en affectation. Bright, racontant un voyage qu’il a fait dans la Hongrie inférieure, parle de monuments de marbre et de retraites pratiquées dans un but de délassement, avec des siéges placés au milieu de berceaux formés par des plantes de serre ; et que, généralement, les tombes sont couvertes des fleurs les plus gaies de la saison. Accidentellement il trace une scène de piété filiale que je ne puis m’empêcher de reproduire ; car j’estime qu’il est aussi utile que c’est chose délicieuse de mettre en lumière les aimables vertus des femmes. « Lorsque j’étais à Berlin, dit-il ; j’accompagnai le célèbre Iffland au tombeau. Se mêlant à une certaine pompe, un sentiment très-réel pouvait s’y remarquer. Au milieu de la cérémonie, mon attention fut attirée vers une jeune femme debout sur un tertre peu élevé, nouvellement recouvert de gazon, qu’anxieuse elle protégeait contre les pieds de la foule qui passait. C’était la tombe de son père ; et la figure de cette tendre fille offrait un tableau plus frappant que le plus splendide monument de l’art. »

Je terminerai par un exemple de décoration funèbre qu’autrefois je rencontrai parmi les montagnes de la Suisse, dans le village de Gersau, situé sur les bords du lac de Lucerne, au pied du mont Rigi. C’était jadis la capitale d’une république en miniature qu’encaissaient les Alpes et le lac, accessible du côté de terre seulement par des sentiers. Toutes les forces de la république n’excédaient pas six cents combattants ; et quelques milles de circonférence découpés, pour ainsi dire, dans le sein des montagnes, formaient son territoire. Le village de Gersau semblait séparé du reste du monde, et avait conservé la charmante simplicité d’un âge plus pur. Il avait sa petite église, avec un cimetière attenant. Au chevet des tombeaux étaient placées des croix de bois ou de fer. Sur quelques-uns se détachaient des miniatu-