Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/284

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Je fis route, pendant une partie du trajet, en vue de l’Avon, qui décrivait les replis et les méandres les plus capricieux en serpentant le long d’une immense et fertile vallée, quelquefois jetant des étincelles à travers les saules qui frangeaient ses bords, quelquefois disparaissant entre des bouquets d’arbres ou derrière des talus verdoyants, et quelquefois se dégageant pour couler doucement et pleinement à découvert et tracer un circuit d’azur autour d’une courbure de prairie. Ce magnifique site intime a nom la Vallée du Cheval Rouge. Une ligne lointaine de collines bleues ondulantes paraît lui servir de bornes, tandis que le charmant paysage en deçà se trouve tout entier, pour ainsi dire, entraîne dans les bras d’argent de l’Avon.

Après avoir suivi le grand chemin pendant environ trois milles, je tournai brusquement et m’engageai dans un sentier qui côtoyait des champs et conduisait, entre une double haie, à une porte particulière du parc ; mais il y avait un tourniquet au bénéfice du piéton : car le public avait un droit de passage à travers ces terrains. J’aime ces domaines hospitaliers dont chacun a, pour ainsi dire, la propriété — du moins en tant qu’il s’agit du sentier. Cela réconcilie en quelque sorte le pauvre avec son lot, et ce qui vaut mieux encore, avec le lot meilleur de son voisin, d’avoir ainsi des parcs et des terrains d’agrément tout grands ouverts pour son délassement. Il respire l’air pur aussi librement, et s’étend aussi voluptueusement sous l’ombrage que le maître du sol ; et s’il n’a pas le privilège de pouvoir appeler sien tout ce qu’il a sous les yeux, il n’a pas non plus, en revanche, l’ennui de payer pour cela, et l’entretenir convenablement.

Je me trouvais alors au milieu de nobles avenues de chênes et d’ormes dont la stature gigantesque disait l’âge plusieurs fois