Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/358

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en partie rapiécées avec des feuillets de vieux cahiers de modèles d’écriture. Elle était très-ingénieusement fortifiée, pendant les heures de vacance, au moyen d’une baguette d’osier entortillée dans la clanche de la porte et de pieux placés contre les volets ; de sorte que, bien qu’un voleur pût entrer le plus facilement du monde, cependant il éprouvât quelque embarras pour sortir ; idée probablement empruntée par l’architecte Yost Van Houten à l’artifice d’une claie à anguilles. L’école était assez isolée, mais agréablement située, juste au pied d’une colline boisée, avec un ruisseau coulant tout auprès et un formidable bouleau s’élevant à l’une de ses extrémités. De là le murmure léger des voix de ses élèves repassant leurs leçons pouvait s’entendre par une accablante journée d’été, pareil au bourdonnement d’une ruche d’abeilles, interrompu seulement de temps à autre par la voix grosse d’autorité du maître, prenant des inflexions de menace ou de commandement ; ou, d’aventure, par le son terrifiant de la férule, quand il talonnait quelque musard indolent sur le sentier fleuri du savoir. À vrai dire, c’était un homme consciencieux, qui avait toujours présente à l’esprit cette belle maxime : « C’est gâter l’enfant que ménager la verge. » — Les écoliers d’Ichabod Crane n’étaient certainement pas gâtés.

Je ne voudrais pas, cependant, qu’on s’imaginât que c’était un de ces cruels potentats de l’école qui se complaisent dans les angoisses de leurs sujets ; au contraire, il rendait la justice avec discernement plutôt qu’avec sévérité ; retirant le fardeau de sur les épaules du faible et le plaçant sur celles du fort. Cet enfant fluet et chétif, qui jouait des pieds à la moindre évolution de la férule, était indulgemment excusé ; mais il satisfaisait aux droits de la justice en infligeant une double ration à quelque petit, robuste, entêté marmot hollandais à larges basques, qui rechignait, faisait le gros dos, et devenait hargneux et revêche sous les coups. Il appelait tout ceci « remplir son devoir envers les parents », et il n’infligeait jamais un châtiment sans le faire suivre de l’assurance, bien consolante pour le polisson étrillé, qu’il « s’en souviendrait et l’en remercierait tous les jours de sa vie ».

Quand les heures d’école étaient passées, il allait jusqu’à devenir l’ami, le compagnon de jeu des plus grands ; et les après-midi de congé escortait vers la maison quelques-uns des plus pe-