Page:Isaac Newton - Principes mathématiques de la philosophie naturelle, tome1.djvu/28

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ginèrent au besoin des mouvements et des positions respectives dans les parties composantes des corps : enfin ils forgèrent des fluides invisibles, doués d’une subtilité miraculeuse, agités par des mouvements secrets, capables de pénétrer les pores de tous les Corps, comme si la matière n’opposait aucune résistance ; et par là ils tombèrent dans des rêveries aussi ridicules que celles des Anciens, en négligeant de s’instruire et d’examiner la véritable constitution de la nature ; connaissance qu’on ne doit pas assurément chercher dans des conjectures trompeuses, puisque les observations les plus incontestables ont encore bien de la peine à nous la procurer.

Venons à la troisième classe, à ceux qui dans leur Philosophie ne reconnaissent d’autre règle que l’expérience. Ces derniers, bien convaincus que l’on doit, autant qu’il est possible, faire dépendre les effets des causes les plus simples, n’admettent cependant aucun principe que ne ſoit prouvé par de observations constantes. Ils ne font point d’hypothèses, et n’en reçoivent aucunes en physique, si ce n’est pour les soumettre à l’examen et reconnaître leur vérité ou leur fausseté par une discussion exacte et rigoureuse. Ils emploient dans cette recherche les deux méthodes connues de tout le monde, l’Analyse et la Synthèse. Avec le secours de la première, de quelques Phénomènes choisis adroitement, ils déduisent les forces de la Nature, et les lois les plus simples qui dérivent de ces mêmes forces ; ils exposent ensuite synthétiquement l’ordre et la disposition des autres qui dépendent immédiatement de ces premières. C’est-là sans doute la meilleure Philosophie, et c’est aussi celle qu’a choisie notre illustre Auteur et qu’il a cru justement préférable à toute autre. C’est la seule qu’il ait jugée digne de ses soins et de ſes travaux, et qu’il ait cru devoir perfectionner et embellir. L’explication du système du Monde qui se déduit si facilement de sa Théorie de la gravité, est à la fois une heureuse application de cette nouvelle philosophie, et un modèle que l’on ne peut trop imiter. Quelques Philosophes, avant M. Newton, ont soupçonné que la pesanteur pouvait être une propriété commune à tous les corps ; d’autres l’ont imaginé gratuitement : notre Philosophe est le premier et le seul qui ait pu le démontrer par les Phénomènes, et en faire le fondement inébranlable des Théories les plus brillantes.

Je n’ignore pas que des personnages illustres et de grand nom dans les Sciences n’ont accordé qu’avec peine leur suffrage à ce nouveau principe ; peut-être par un effet de certains préjugés, qui faisaient une impression trop forte sur leur esprit : je sais même, qu’ils ont quelquefois préféré des conjectures vagues à des vérités certaines. Mon dessein n’est point d’attaquer ici leur réputation, mais seulement de mettre mon Lecteur en état de porter un jugement équi-