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évaluait le bénéfice à plus de deux mille francs. Et Merlouis répétait en se frottant les mains :

— Ce vieux Jartès ! Va-t-il être épaté quand je lui allongerai un billet de mille.

Car Jartès était de moitié dans l’affaire, bien entendu.

Jambonneau III fit un départ magnifique, puis eut soudain la fâcheuse idée de s’arrêter au milieu du parcours, malgré les coups de cravache, les quatre pattes écartées, le cou tendu vers l’horizon où l’on voyait passer des trains.

Cela fit dire à Merlouis que ce cheval n’était qu’une vache. Et la joie d’avoir fait un mot le consola complètement de sa déconvenue.

Le soir, comme Jartès déclarait ne rien comprendre à ses explications, et se plaignait avec quelque aigreur, il répondit doucement :

— Comment voudrais-tu comprendre mes histoires, puisque je n’y comprends rien moi-même ?… Et puis, cette canne-là, vois-tu, je m’étais bien trompé sur son compte. Elle était volage et inconstante, et tu ne l’aurais pas gardée tout de même, toi qui ne l’avais achetée qu’une fois. Pense donc qu’en trois jours, elle m’a été donnée, rendue à deux reprises, prêtée par toi-même, et que je n’ai jamais pu la garder pendant vingt-quatre heures. Les cannes, vois-tu, c’est comme les femmes, quand elles ne veulent pas de vous, on ne gagne rien à s’entêter.

Et Jartès s’en alla sans mot dire, car il sait bien qu’avec Merlouis non plus, on ne gagne rien à s’entêter.