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comme des écoliers qui partent en vacances. Un prétexte fort piètre, mais très suffisant, la faisait libre pour deux jours. Il avait télégraphié au joli petit hôtel pour retenir la meilleure chambre. Et tandis que le train s’ébranlait, assailli aussitôt par une pluie furieuse qui semblait vouloir crever les vitres, elle murmurait, les yeux luisants, nimbée d’espoir, trépidante de plaisir attendu :

— Ça fait rien, m’ami ! Tu verras comme il fera beau, là-bas !

Là-bas, ce n’était pas la pluie, c’était le déluge. Sur le quai de la petite gare déserte, elle restait toute droite, essayant de se montrer brave, mais battant des cils pour retenir ses larmes, le cœur crevé d’une grosse désillusion. Lui se faisait rabrouer, en demandant si l’on pourrait avoir une voiture, par un employé dont le mal de dents se devinait à son humeur exécrable mieux encore qu’à sa joue enflée et contenue par un mouchoir à carreaux. Moyennant quarante sous, il décida un gosse loqueteux, dont le visage était mangé de croûtes, à courir jusqu’au village. Le jeune émissaire revint au bout d’une heure à peine, très fier et très content de lui, sur le siège d’une carriole non suspendue que recouvrait une bâche en lambeaux. Aux reproches qu’on lui fit, il répondit, maussade et hautain :

— J’avions cru qu’c’était pour les sacs de pommes que v’là su’l’quai !… Fallait donc l’dire, qu’c’était pas à vous les sacs de pommes !

Et ce fut dans cette infâme guimbarde, qui s’attestait avoir transporté naguère des gorets aux digestions abondantes et faciles, qu’ils arrivèrent au charmant petit hôtel qui hantait leurs songes depuis une semaine. La vigne-vierge et le chèvrefeuille pendaient,