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— Je cherche un ou deux Fragonard, affirmai-je froidement. N’y en a-t-il pas dans ta collection ?…

— Heu… fit-il. Je crois bien… il me semble… il doit y avoir des… comme tu dis… Et c’est tout ce qu’il y a de plus authentique, mon cher !… Ma parole la plus sacrée !… Il y a de tout : des Rubens, des Raphaël…

— Raphaël ou Rafaëli ?

— Mais c’est la même chose, mon vieux ! Rafaëli, en italien, ça veut dire Raphaël !… Et puis, tout ça n’a pas d’importance. Je t’affirme que c’est une collection unique au monde, tout simplement ! J’ai rendez-vous ici même, à cette heure, avec Gobseck, le fameux marchand de tableaux, à qui j’ai fait des ouvertures.

— Tu lui as dit de quoi il s’agissait ?

— Pas si bête !… Pour qu’il fasse l’affaire sans moi… Ah ! non, mon vieux… une affaire épatante !… On n’en trouve pas tous les jours… Tiens, le voilà, Gobseck.

Le vieux marchand avait mis le bout du nez à l’intérieur du café. D’un signe, il refusa la consommation que Joseph allait évidemment lui offrir, et il attendit sur le trottoir. J’avais grande envie d’admirer la collection unique au monde dénichée par mon ami, et j’obtins la permission de l’accompagner.

— C’est à deux pas, nous dit-il, mais je vous prierai de faire un petit détour, pour des raisons personnelles qu’il serait trop long de vous confier.

Et il nous guida, selon son habitude, par des chemins compliqués et inattendus. En route, il s’efforça de faire l’article, mais sans entrer en des détails très précis sur la technique des tableaux ou la personnalité de leurs auteurs. En revanche, il prit fréquem-