Page:Ista - Par un beau dimanche, 1921.djvu/156

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— Pas même capable de couper sa viande proprement !

La victoire d’Hippolyte sur son bifteck ayant été signalée à tous tes convives, en quelques secondes, par l’antique système télégraphique du coude dans la hanche, le père indigné interrompit soudain sa diatribe, quelque peu interloqué. Mais personne ne rit, contrairement à l’espoir exprimé par le naïf docteur. Car si l’on s’esclaffe volontiers aux mésaventures du juste et du faible, on y regarde à deux fois quand il s’agit de ceux qui sont assez forts ou assez méchants pour se venger aussitôt. Et ce fut à voix très basse que M. Brusy osa souffler, dans l’oreille de Joséphine, la conclusion qu’il tirait de cet incident :

— Le père a parlé comme un idiot. L’idiot a agi comme un père.

Le repas se termina sans autre anicroche qu’une petite incartade d’Eudore. Soudain réveillé, l’ivrogne intercepta un plat de crêpes qu’apportait la minuscule Mérance, puis retourna s’installer derrière son comptoir en déclarant :

— Vous avez assez bouffé, vous autres !… Moi, d’puis midi, j’ai fait qu’de boire sans rien m’mettre sous la dent… Chacun son tour, nom d’un cric !

Et il avala bravement les quatorze crêpes destinées aux sept convives, ce qui permit à M. Virieux d’affirmer, une fois de plus, que ces choses-là n’arrivaient qu’à lui seul.

Sur quoi l’éloquente Mérance vint bredouiller cette énigmatique déclaration :

— C’est tout !… N’a plus !

Invitée à s’expliquer plus clairement, elle rougit, jeta son tablier sur sa tête et se réfugia en courant à la cuisine, d’où sortit bientôt une voix geignarde qui pleurnichait :