Page:Ista - Par un beau dimanche, 1921.djvu/176

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sons épineux, semée de cailloux et de quartiers de roche. La rivière, d’un noir d’encre, coulait maintenant sans bruit, invisible et profonde.

Marie butta contre une énorme pierre, faillit tomber, et se trouva assise dessus, sans savoir comment. Elle resta là, immobile, regardant sans les voir les arbres de la rive opposée, dont le feuillage frémissait sous le clair de lune.

Elle posa la gerbe de fleurs entre ses genoux, au creux de sa robe, puis, prenant les marguerites une à une, commença à les piquer dans ses cheveux, lentement, avec des soins infinis. Parfois, du mouvement machinal de toute femme à sa toilette, elle avançait la tête ; et un miroir venait alors se placer devant ses yeux, un miroir qu’elle tenait de sa mère, et qu’une servante maladroite avait brisé l’année précédente. Il n’était plus cassé, maintenant, mais au lieu de refléter le visage de Marie, c’est celui d’Ophélie qu’il lui montrait chaque fois, pâle et souriant ans la caresse de l’eau berceuse.

Et elle se remit à chantonner :

— Ophélie… C’est Ophélie… Ophélie ne souffre plus… Dans l’eau, on ne souffre plus… Jamais plus…

Derrière elle, une pierre roula, de nouveau, et il y eut, dans les buissons, un bruit de branches froissées. La jeune fille se dressa, les yeux écarquillés, le cœur battant. Et pas un mot ne sortit de sa gorge serrée, quand elle voulut demander :

— Qui va là ?

Car son âme meurtrie, éperdue, affolée, voulait la mort, l’aimait, la désirait, ne voyait plus de refuge qu’en elle. Mais tout son être, toute cette pauvre machine régie avant tout par l’habitude et par l’instinct, se hérissait d’effroi, se révoltait à la seule menace d’un vague et problématique danger.