Page:Ista - Par un beau dimanche, 1921.djvu/177

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Rien ne répondit, rien ne bougea plus dans l’ombre impénétrable. Et Marie, perdant soudain la mémoire de sa crainte, recommença à piquer des fleurs dans ses cheveux, en chantant d’une voix monotone :

— Ne plus souffrir… Jamais plus… Jamais plus…

Lorsque sa main, tâtant au creux de la robe, n’y rencontra plus nulle fleur, la jeune fille se leva, marcha lentement vers la rivière. Un souffle plus frais, un bruissement à peine perceptible, l’avertirent seuls que l’eau coulait à ses pieds, si près qu’elle fit un pas en arrière, avec un léger cri d’effroi. Puis elle entendit sa voix, sa voix de tous les jours, sa voix habituelle, qui disait avec une angoisse infinie :

— Qu’est-ce que je vais faire ?… Qu’est-ce que je fais ?… C’est fou !… C’est insensé !

Et une immense envie la prit de s’enfuir, de retourner en arrière. Mais elle revit alors, comme à la fulgurante lueur d’un éclair, son père égoïstement implacable, prêt à édifier son piètre bonheur sur les pires souffrances d’autrui. Elle se vit pareille bientôt à la pauvre Joséphine, si triste, si dolente, l’âme empoisonnée à jamais par l’amertume des sacrifices perpétuels, des renoncements irrévocables. Elle entendit les phrases ordurières, les rires épais des rustres en train de l’insulter, de la salir. Elle sentit sous son crâne un grand bouillonnement, comme si le sang jailli de son cœur blessé envahissait sa pensée, toute sa pensée, pour submerger sous son flot pourpre tout ce qui n’était pas la douleur de vivre et le désir de ne plus souffrir.

— François ! râla-t-elle… François !… Ophélie, me voici !

Elle s’élança, comme pour courir très vite, foula deux fois le sol, ne rencontra que le vide