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par un beau dimanche

poumons, dans l’espoir de couvrir le bruit de sa bêche :

 Tous les clients sont des cochons,
 La faridondon, la faridondaine…

Courbé en deux, suant et soufflant, M. Brusy buttait à chaque pas. Des pierres dégringolaient sous ses pieds. Ses mains tâtonnantes, cherchant un appui à gauche ou à droite, ne rencontraient que les subtiles piqûres des prunelliers épars aux deux bords de la sente. Recru de fatigue physique, exténué par les émotions de cette tournée, aigri par l’hostilité de la nuit revêche, le vieux docteur, mécontent des autres et de lui-même, exhalait sa mauvaise humeur en propos entrecoupés :

— La part des pauvres !… Ils m’ont pris la part des pauvres !… Et pour qui ?… Pas pour Marie, pas pour Joséphine, qui n’en verront jamais un sou, mais pour cet incorrigible Hougnot, qui aura tout mangé dans deux ou trois ans… Ils m’ont pris la part des pauvres ?… Qui donnera du savon boriqué à la vieille Nanette, maintenant ?… Pas mon beau-frère, bien sûr !… Et la petite Phrasie, où ira-t-elle chercher des ferrugineux ?… Je suis un malfaiteur !… J’ai laissé prendre la part des pauvres !… Tant pis, ma foi !… Tant pis pour les pauvres !… Puisqu’il ne me reste que mes honoraires pour subsister, je ferai comme les autres, comme tant d’autres : je vivrai pour mon seul bien-être, aux dépens d’autrui s’il le faut… Ça n’est pas difficile, d’être égoïste… Je le serai !… Je serai plus canaille et plus fripouille que mon beau-frère !… Oui, je serai égoïste !… On verra ça !… Nous allons rire !

Là-haut, sur le sentier, la petite lumière chavira soudain, dans un bruit de lourde chute et de pierres éboulées. Une voix lointaine grom-