Page:Ista - Par un beau dimanche, 1921.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
71
par un beau dimanche

avec les produits de son imagination, nous complétons ces données radicalement fausses par quelques hypothèses tout à fait inexactes, puisque tirées des coutumes actuelles et d’une façon toute moderne de vivre et de sentir, les seules que nous connaissions. Somme toute, il n’y a presque pas un atome de vérité dans l’idée que la plupart d’entre nous se font de ceux qui ne sont plus. Et voilà pourquoi vos filles ont été si choquées par le contraste qui s’est révélé entre cette demeure et l’image qu’elles se faisaient de ses habitants, toutes déconcertées par cette constatation assez simple : que l’art de se loger a fait, en près de deux siècles, de très réels progrès.

— Bien entendu ! Mes filles sont des idiotes, et vous seul êtes malin ! gronda M.  Hougnot, fort enclin à voir en toutes choses des questions de dignité personnelle. Moi, j’affirme que les gens du bon vieux temps étaient plus heureux que nous !

— Vous consentiriez à habiter cette demeure ? demanda l’autre.

— Moi ?… Pour qui me prenez-vous ?… Je veux dire que les gens d’autrefois n’avaient pas nos soucis, nos tracas perpétuels.

— Ils en avaient d’autres, bien plus graves, bien plus urgents… Somme toute, pour évoquer les paysans de jadis, il faut toujours en revenir au tableau que traça La Bruyère : « On voit dans les champs des espèces d’animaux… »

— Espèce d’animal vous-même ! interrompit M.  Hougnot. J’ai entendu dire que mon arrière-grand-père était fermier, et je ne permettrai à personne de l’insulter devant moi… Quant à cette baraque, elle constitue sans doute un cas isolé, une exception… C’est une étable, une porcherie, tout ce que vous voudrez… Mais on ne