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par un beau dimanche

aux discours paternels, sans toutefois perdre de vue un seul mouvement du chapeau gris. Celui-ci après un léger temps d’arrêt, se remit à monter, suivi d’un visage bien connu, puis d’un torse tout entier. Plein d’une angoisse infinie, le docteur eût donné le plus beau rosier de sa collection pour pouvoir renfoncer l’imprudent, d’une bonne tape sur la tête, comme un diable qu’on fait rentrer dans sa boîte. Mais deux jambes suivirent le torse, terminées par des bottines jaunes flambant neuves ; et, debout sur une grosse branche, le téméraire amoureux, visible des pieds à la tête, agita triomphalement son beau chapeau, puis se mit à envoyer à sa bien-aimée une ample collection de baisers.

Hougnot parlait toujours. Les jeunes filles restaient imperturbables. Et le docteur, par crainte de gaffer, n’osait bouger d’un doigt, retenait son haleine au point d’en devenir cramoisi. Il y mit tant de zèle, il prit avec tant de farouche résolution l’air du monsieur qui ne fait semblant de rien, que Hougnot, flairant à sa vue quelque chose d’insolite, s’arrêta net, tout à coup, pour demander :

— Qu’y a-t-il donc ?

Les deux mains aux bras de son fauteuil, il regarda devant lui, à droite, à gauche… Une seconde encore, et il allait se retourner, voir ce jeune homme, déjà suspect, tout debout dans son arbre et prodiguant les baisers à pleine main. Alors, sans hésiter, l’héroïque docteur empoigna une serviette, la jeta sur la tête de son beau-frère, puis, serrant de toutes ses forces, cria, de la voix flûtée des petits enfants qui jouent à cacher la figure de papa derrière un mouchoir :

— Coucou !… Parti, le petit Walthère !… Parti, le petit Hougnot !

— Lâchez-moi !… Lâchez-moi tout de suite !…