Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/143

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Le lendemain matin, — notre dernier jour sur le sol roumain, — Kyra pleura de rage : le père vivait encore et l’oncle Cosma ne le mettait pas en joue ! Mais s’il tardait à faire cette œuvre salutaire, il y eut tout de même quelqu’un qui fut visé.

De très bonne heure, nous entendîmes sous nos fenêtres une voix rauque crier :

« Écrevisses fraîches !… Écrevisses ! »

Enfin ! C’est peut-être la bonne nouvelle !

Le pêcheur d’écrevisses venait à temps. Nous descendîmes en courant. Courbé sous le poids des années et sans doute aussi sous celui de ses péchés, le vieux Ibrahim tournoyait sous nos fenêtres, avec des regards voleurs. Nous le suivîmes vers Katagatz ; et là, loin du port, il nous souffla dans le nez :

« Malheur à vous !… Cosma a été arquebusé par les hommes de votre père, embusqués. Son frère est blessé, mais il a réussi à se sauver sur son cheval ! »

Ah ! les larmes qui coulèrent ! Notre protecteur était tué ! L’ursita avait tenu parole ! Qu’allions-nous devenir maintenant ? Le père, ne craignant plus rien, sûrement viendrait nous enlever.

Notre terreur fut mortelle. Plutôt que de revenir à l’auberge, mieux valait le Danube ! Mais sur la rive, la chaloupe