Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/190

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pagné de mon domestique, bien entendu.

Mais deux de ses faveurs, surtout, me furent funestes, et eurent des conséquences incalculables sur tout le reste de ma vie.

D’abord, le bey introduisit dans la maison l’alcool, qui m’était presque inconnu. Par malheur, ma langue se sentit agréablement chatouillée par la liqueur doucereuse. Sous l’empire de l’ignoble ivresse, mon cerveau perdit le sens de la triste réalité, ma tête alla à la dérive. Je trouvai cela fort consolant, j’en redemandai. Il m’en servit à volonté et s’en servit lui-même. Nous nous saoulâmes. Et courant tous les deux à quatre pattes sur le tapis du grand fumoir, nous hurlions comme des bêtes. Lui, surtout, était méconnaissable. Sa face n’avait plus rien d’humain, et un soir, comme il voulait me broyer entre ses dents un doigt de mon pied, je lui frappai la figure avec le crochet de la cheminée. Il resta calme sur le sol, laissa le sang couler sur sa bouche et lécha ses lèvres. Je lui crachai au visage. Il lécha encore.

Mais les lendemains de ces débauches étaient atroces pour moi. La tête lourde, la figure livide, le cœur tremblant, je gardais le lit jusqu’à midi en gémissant. La lumière du jour me blessait. Le bey la repoussait derrière de lourdes draperies. Et dès