Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/151

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caractères ethniques du saxon, affinés en quelque sorte par ceux d’une race rouge supérieure.

— Qu’entends-tu par la race rouge ?

— La race indienne, ma Lilian.

— Lui, allons donc !

— Il n’y a pas d’allons donc, chère chose ; quand mon père viendra me voir, veux-tu que, sans lui rien dévoiler, je le prie de donner son avis ? Je t’affirme qu’il te dira les mêmes choses, bien mieux que moi encore, car il sait voir plus nettement.

Lilian ne répondit pas.

— En tout cas, reprit la pétulante Grace, désormais nous serons deux pour songer à tout cela. Et puis, vois-tu, si j’étais à ta place…

— Que ferais-tu ?

— J’attendrais bien paisiblement que Mrs. Allan daignât revenir de voyage, et alors…

— Alors ?

— La première fois que je le reverrais…

— Tu l’interrogerais, ah ! tu as raison…

Mais Grace appliqua sa main potelée sur les lèvres de son amie.

— Veux-tu bien te taire ? L’interroger !… Mais, pauvre chérie, s’il ne s’est pas encore expliqué, c’est qu’il existe des motifs pour lesquels il croit devoir garder le silence.

— En ce cas, je ne saurai rien.

— Tu te trompes, ma belle Lilian… Tu es si sincère, si bonne, que tu oublies la ruse, cet appoint qui réussit souvent là où la force échouerait.

— Je ne saisis pas.

— Je m’en aperçois. Donc, je serais miss Lilian, que je recevrais très gentiment Mrs. Allan, je lui demanderais des nouvelles de son voyage, chose toute naturelle, et je suis certaine, et tout à fait certaine que je l’embarrasserais tellement…

— Toi, une gamine, embrasser Allan !

La fillette se prit à rire, et sans se formaliser sur l’épithète :

— Oui, moi une gamine, je me charge d’embarrasser quiconque essayera de me répondre sans parler clairement. Il n’y a point de présomption dans mon cas, mais simplement la conviction de l’infériorité de celui qui veut converser à coup de demi-vérités.

Un bruit sourd parvint aux oreilles des jeunes filles.