Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/212

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Mais l’imminence du danger ranima son courage. Il tendit tout son être dans la volonté de s’écarter de la ligne dangereuse. Ses bras, ses jambes se détendirent comme des ressorts d’acier.

Soudain, une sensation agréable le pénétra tout entier.

— Bizarre ! On dirait que le courant me pousse moins fort !

Il demeura sur place pour contrôler cette impression, née peut-être de son désir d’échapper à l’étreinte de l’eau.

Non, il ne se trompait pas. Le courant devenait imperceptible. On eût dit qu’il s’arrêtait. Les houles elles-mêmes s’apaisaient.

Cette dernière observation fut un trait de lumière pour le gamin.

— Je comprends, se confia-t-il ; la marée est pleine, la mer devient étale ; le courant venant du large cesse en même temps.

Puis, par réflexion :

— Il faut donc que, dans une dizaine de minutes, je sois accroché à la falaise, car alors le courant se manifestera en sens inverse ; il ne serait pas plus avantageux pour ma protégée que je sois entraîné en pleine mer.

Et il se remit à nager.

À présent, il avance rapidement sur une mer devenue momentanément d’huile, selon l’expression maritime. La certitude de disposer de quelques brèves minutes le fait se presser. Dans les moments de hâte, on néglige les menues précautions comme autant de causes de retard.

Le résultat de cette imprudence inévitable est que sa présence est signalée par l’un des marins de l’équipage de la chaloupe.

Jud va atteindre le cap rocheux qui sépare la déchirure de la falaise, où il pense se réfugier, de la plage occupée par ces hommes, quand une voix rude parvient jusqu’à lui.

— Voyez donc, garçons, qu’est-ce qui nage là-bas ?

— Bon, un marsouin probablement, riposte un organe non moins rauque. Il n’y a que les marsouins pour remuer l’eau comme cela.

— Peut-être vrai. Seulement m’est avis que l’on en serait plus sûr si on y allait voir… Après tout, cela nous distraira tout en nous dégourdissant les bras.

Jud sent son cœur sauter éperdument dans sa poi-