— Pas même la négociation du territoire d’Agua Frida ?
L’athlétique Frey pâlit. Ses poings se crispèrent. Son visage eut une contraction menaçante. Toujours souriante, Rouge-Fleur leva sa main fine vers lui. Cette main tenait la crosse d’un petit revolver orné d’argent.
— Je voulais vous parler seul à seul, persifla-t-elle. J’ai pris mes précautions. Une femme est trop exposée en semblable tête à tête.
Du coup, Jemkins regarda la visiteuse avec une secrète terreur. Qui était cette femme venant le braver dans sa propre maison ?
— Asseyez-vous donc. C’est une amie qui vous paie une visite.
Dominé, il obéit, tout en grommelant :
— Une amie… le revolver au poing !… C’est une amie dont je me passerais fort bien.
Elle se prit à rire de nouveau.
— Vous êtes totalement amusant, Frey Jemkins. Mais je ne veux pas vous inquiéter plus longtemps ; je me présente, afin que vous sentiez en moi une alliée.
Et avec une révérence que n’eût pas désavouée une reine de l’élégance :
— Je suis miss Hiang-Tchil, ou Rouge-Fleur, ainsi que vous traduisez, vous autres Américains. Je suis celle qui incarne la haine du Japon contre les États-Unis. Je suis le chef de ceux qui agissent ici pour la gloire du mikado.
— Le chef ? répéta le géant stupéfait… Jamais je n’ai soupçonné…
— Cela était inutile, riposta la jeune femme. Ignorée, je conservais barre sur vous. Je pouvais vous amener à ma discrétion.
— Vous avez au moins une certaine audace de me le dire.
— Cette audace vous démontre, honorable sénateur, que je suis parvenue à mes fins. Désormais, vous devrez vous plier, je ne dirai pas à mes volontés, ce qui serait une expression désobligeante, mais à la sagesse de mes résolutions.
— Ah ! parbleu ! gronda-t-il, ce serait bien la première fois que je plierais.
Elle l’interrompit :
— N’insistez pas. Vous me feriez rougir de vanité satisfaite. La première fois ! quel honneur pour une faible petite femme comme moi !