Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/412

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cher à votre agréable occupation. L’heure est venue d’effectuer la promenade symbolique des fiancés… Je vous en aurais volontiers dispensée, mais les gens du pays… Donc, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, nous rejoindrons au salon votre mère, Lily Pariset, qui vous attend pour vous accompagner.

Sa mère, cette femme infortunée qui l’avait repoussée, qui avait donné sans hésitation, sans effort, son affection à Lilian !

Linérès se sentit le cœur étreint par une horrible angoisse ; mais humblement elle murmura :

— Allons trouver Mme Pariset.

L’apparition des fiancés dans le jardin fut saluée par un redoublement de vacarme.

Ils marchaient lentement, Linérès voilée du rebos, appuyée au bras de Chazelet. À quelques pas en arrière, Mme Pariset suivait, flanquée de Frey Jemkins et ses six lieutenants.

— Oh ! la bellissima, la carissima (la très belle, la très aimée).

— Oh ! le gracios’ aficionad ! (le gracieux prétendu).

Ces exclamations laudatives jaillissaient des groupes curieux, enfiévrés par le bruit, les libations, les danses et les chants.

Qui donc eût remarqué la lividité du visage de Pierre, la raideur de la démarche des deux êtres, pour qui cette promenade emblématique, cette marche au bonheur, comme la dénomment les sérénades, était une torture ?

Et dans son exubérance, la foule se pressait également autour de Frey Jemkins, de ses compagnons, ralentissant leur marche, les assourdissant de vœux de félicité.

Chazelet entraînait toujours Linérès. Insensibles aux compliments, douloureusement affectés par l’allégresse générale, tous deux avaient hâte d’arriver au terme de l’épreuve.

Soudain, le marquis ressentit comme un choc. Son bras trembla si fortement que sa compagne dut s’en apercevoir :

— Qu’avez-vous ? demanda-t-elle, anxieuse.

Il lui désigna une forme féminine qui venait de les dépasser et qui s’enfonçait entre deux rangées de buissons, où se coulait l’avenue qu’ils suivaient eux-mêmes.

— Cette femme m’a dit, en passant auprès de moi…

— Que vous a-t-elle dit ? Vous m’effrayez.