Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/7

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Il avait jeté sur la table l’enveloppe et la lettre qu’il montrait un instant plus tôt à la posadera Olinda.

L’enveloppe, au timbre de France, portait la suscription suivante :

Marquis Pierre de Chazelet,
Posada del Cid
Route d’Avila-Béjar-Plasencia
Province de Salamanque (Léon)
District d’Avila.
(Espagne)

Après un moment, il se laissa tomber sur un escabeau, et les coudes appuyés à la table, il relut machinalement l’épître étalée devant lui.

« Mon cher Pierre,

« Parole, ton mot éploré m’a rempli de pitié. J’ai cru te voir, avec ton complet élimé, dans cette auberge de muletiers perdue sur la rive escarpée du torrentueux Tormès, au milieu du dédale montagneux de la sierra de Grados.

« C’est horrible d’avoir palpé deux millions, à sa majorité, et de se trouver ainsi, à vingt-six ans, ruiné, se cachant de ses créanciers dans un tel décor.

« Brrr ! Cela me fait froid ! Enfin ! j’imiterai ton courage. Tu t’es amusé royalement, dis-tu, et n’as aucun regret. Passons aux nouvelles de Paris qui t’intéressent.

« Ton appartement, tes collections ont été vendus, pas mal, prétend le commissaire-priseur. Toutes dettes payées, frais soldés, il te restera une dizaine de mille francs que, d’ici à quelques jours, je pourrai, à ton choix, te remettre à ton arrivée à Paris, ou t’expédier à ton terrier del Cid.

« Opinion personnelle. À ta place, je rentrerais à Paris, où tes amis se feraient une joie de te trouver un poste acceptable. Moi, personnellement, je serais ravi de te revoir.

« Ordonne la marche, je me conformerai.

« Toujours ton dévoué.

« Signé : F. Morand.