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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

dre, signé d’un nom bien allemand, sera adroitement envoyé au gouvernement de la République… Ainsi l’empire germanique et la République Française s’accuseront réciproquement de leurs désastres… La presse, l’opinion publique aidant, les haines séculaires se greffant sur le tout, je crois qu’ils auront assez à faire en Europe pour ne pas se lancer dans une campagne lointaine contre nous. Vous le voyez, pacifique Dodekhan… le sang coulera, c’est vrai ; mais ce sera surtout le sang des Occidentaux.

Pâle, le front mouillé de sueur, le duc écoutait, incapable de prononcer un mot. Le succès de la tortueuse diplomatie de son athlétique geôlier lui apparaissait certain, inéluctable.

Les Français, soldats, colons, fonctionnaires, rougiraient de leur sang la terre indochinoise. Rien, ni personne, ne pouvait empêcher cela.

Avec un plaisir barbare, Log suivait les impressions sur sa physionomie.

— Bah ! fit-il à haute voix… Mme  la duchesse est charmante, et un gentilhomme de France est trop galant pour ne pas lui consentir un sacrifice.

Puis, narquois :

— Vous m’aiderez donc, monsieur le Duc. Regardant alors Dodekhan en face :

— À vous, maintenant ; je vais vous enseigner pourquoi vous ne résisterez pas à ma volonté.

Et durement :

— Vous obéirez, joli seigneur, parce que, non seulement la vie, mais le bonheur de Mlle  Mona dépend de votre déférence à mes désirs.

Vite, en phrases incisives, il raconta son odieuse combinaison. Le soporifique, le double mariage du jeune homme endormi, avec Mona, avec Lotus-Nacré.

— Lequel est le bon ?… conclut-il. Les actes portent la même date… Le timbre des Consulats indiquera également même date… Qui pourra affirmer que l’un précéda l’autre ?… Aussi, voyez, s’il me plaît de déclarer que Lotus-Nacré est l’épouse valable, la première… non seulement cette pauvre petite Mona vous perd, mais encore elle vous voit à une autre… Il y a là un raffinement, une quintessence de douleur que vous n’aurez pas le courage de lui imposer.

Dodekhan haussa les épaules :

— Les bonzes parleront.