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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Un gémissement désespéré fusa des lèvres des jeunes filles arrêtées par cet obstacle imprévu. La duchesse, elle, ne sembla pas surprise.

— Que fait-on, quand on ne peut entrer par la porte ? demanda-t-elle.

Ses interlocutrices levèrent les bras en signe d’ignorance.

— Eh bien, reprit la Parisienne, mes parents faisaient du commerce, et ils m’ont enseigné que, la porte barrée, on entre par la fenêtre… Pour sortir, c’est la même chose, c’est même plus facile, car l’espagnolette est de notre côté.

Et tandis qu’elles la considéraient avec admiration, elle se glissa dans la pièce voisine :

— Venez.

Tout en ouvrant la croisée, élevée à peine d’un mètre au-dessus de la chaussée :

— Notre maison est la seule dont les fenêtres soient demeurées fermées.

— C’est vrai !

— Ce que nous avons vu était donc voulu par Log, par San.

— Et, ajouta Mona avec une épouvante dans la voix, ce que nous allons voir a été commandé par eux.

Un geste décidé de la duchesse mit fin à ses réflexions. Légèrement, Sara bondit sur la fenêtre, sauta dans la rue, et se retournant :

— À vous… hâtons-nous.

Un instant plus tard, toutes trois se tenaient au milieu de la voie. Aussi loin que pouvaient porter leurs regards, elles n’apercevaient aucun piéton… Toutes les habitations se montraient silencieuses, mornes, les portes, les fenêtres ouvertes, découpant leurs rectangles noirs sur les façades peintes ou laquées de couleurs claires.

Pour satisfaire leur curiosité, pour percer le mystère qui s’était joué devant elles, durant la nuit, il leur suffisait de faim quelques pas, de pénétrer dans la maison la plus voisine.

Et elles ne bougeaient pas.

La terreur de ce qu’elles allaient rencontrer les paralysait.

Le courage de la duchesse qui, jusque-là, avait soutenu celui de ses compagnes, ce courage chancelait.