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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

— Il y a le monastère taoïste de Lin-Nan-Lien. Et tous l’interrogeant du regard :

— Tout près d’ici, une sente se détache de la route ; elle aboutit au couvent dont je parle.

— Eh bien ?

— Quiconque revêt le manteau taoïste est sacré[1].

— Mais on nous découvrira, et Log…

— Log s’inclinera devant la loi. Pas un de ses guerriers ne voudraient porter la main sur un vêtement de bonze taoïste.

— Il nous bloquera dans le monastère.

L’enfant cligna des yeux.

— Cela est possible, mais Joyeux me rejoindra… — elle désigna les panthères d’un geste caressant, — et à nous quatre, nous arriverons bien à tromper le Masque d’Ambre.

Après tout, la motion de l’enfant permettait de gagner du temps. Le fugitif qui retarde le moment de sa capture, remporte par cela même une victoire.

— Guide-nous donc, petite Peï, fit doucement Dodekhan, rendant à sa jeune interlocutrice le nom qu’autrefois il lui avait donné.

Entre ses panthères noires, la gamine se mit aussitôt en route.

Alors ses compagnons remarquèrent qu’elle marchait avec peine.

Soutenue jusque-là par sa volonté tendue tout entière vers le salut du Maître, elle subissait maintenant l’étreinte de la fatigue surhumaine qu’elle s’était imposée.

Dodekhan le vit. Sans un mot, il rejoignit l’enfant, l’enleva dans ses bras et l’asseyant sur son épaule :

— Tu es lasse, ma petite Peï… moi, je suis fort.

Le visage maigre de la petite abandonnée s’illumina d’une émotion intense. Elle ne résista pas, mais elle murmura avec une inflexion si mélodieusement attendrie que le Turkmène en fut touché :

— Comme tu es bon, Maître !

Sans effort apparent, Dodekhan allait, chargé de son vivant fardeau.

Les affirmations de la petite étaient exactes. Cinq cents mètres plus loin, une sente étroite partait de la route et s’enfonçait dans le chaos montagneux.

  1. M. Winthermann, l’illustre voyageur, a dû son salut à cette coutume chinoise, en 1903.