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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Prisonnières, elles l’étaient désormais tout autant que la veille.

Leur fuite n’avait eu d’autre résultat que de changer de geôle… C’était un temple maintenant au lieu d’un caravansérail comme hier.

La situation même s’était aggravée, car Dodekhan, Lucien, qui, libres, pouvaient travailler à leur délivrance, se trouvaient à présent enlacés avec elles par la trame des précautions prises.

Des sonorités d’or vibrèrent dans la cour. Le Graveur de Prières soldait l’obéissance des bonzes.

— Ma tente est tout près, fit-il encore, quand tu auras à me parler, quelqu’un sera toujours là pour recevoir ton signal.

— Les clochettes musicales (carillon du temple, unique en Chine) sonneront la prière de Tao-Ssé.

— Bien. Au revoir, prêtre. Je compte sur ta fidélité. Compte sur ma faveur. Mes ennemis écrasés, je te le jure, je ferai de ta pagode la plus riche d’Asie.

Et le bonze se prosternant presque à cette mirifique promesse, Log fit mine de s’éloigner. Il n’en eut pas le temps. La barrière mobile de la cour s’ouvrit brusquement et un Pavillon Noir se précipita par l’ouverture.

San, dont le visage empourpré par l’émotion avait pris un ton orangé, bondissait derrière lui. Le bouleversement exprimé par l’attitude, la hâte, les gestes fébriles des deux hommes, frappèrent aussitôt Log.

Il eut le pressentiment d’un échec, d’une défaite, et ce fut d’une voix mal assurée qu’il demanda :

— Pourquoi venir me troubler ici ?

San et le guerrier s’entre-regardèrent, semblant s’inviter réciproquement à répondre. Enfin le premier grommela :

— Parle, toi, puisque tu as vu.

Avec un froncement de sourcils, le Maître du Drapeau Bleu gronda :

— Vu quoi ? Vous expliquerez-vous quand j’interroge ?

Ployant les genoux, les mains réunies en coupe sur le sommet de la tête, le guerrier commença :

— Je parlerai puisque celui qui commande aux Signes d’or couchés sur un pan du ciel[1] l’ordonne.

  1. Traduction littérale des signes chinois signifiant Drapeau Bleu.