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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Sa réflexion ne s’acheva pas ; non, il n’avait pas mal vu. Une langue de flamme avait brusquement jailli de l’ombre, pointant vers le ciel.

Il respira. Rien n’avait bougé, autour de lui. Ce digne San avait bien choisi son heure. Le sommeil aveuglait guerriers et bonzes.

Mais tout à coup, il se produisit une série d’explosions violentes, une épaisse colonne de fumée noir s’éleva ; de toutes parts, les flammes apparurent.

Et comme le camp entrait en rumeur, que les guerriers couraient effarés, levant les bras, échangeant des cris stupéfaits : « Au feu ! au feu !… » San se dressa brusquement devant le chef des Masques d’Ambre.

— Toi ?

— J’ai enflammé les provisions de pétrole, de paille, de fourrages.

Le brouhaha grandissait. Pas une goutte d’eau sur le plateau. Impossible de lutter contre l’incendie, qui se propageait avec une rapidité vertigineuse parmi les constructions de bois.

— Il ne faudrait pas qu’ils s’échappent à la faveur du désordre, murmura Log.

Il n’avait pas achevé que San se précipitait, clamant de sa voix tonitruante :

— Tous les réflecteurs dirigés sur le temple ! Que les factionnaires restent à leur poste ! Dix hommes de bonne volonté pour sauver les bonzes !

Il est à remarquer que, devant tous les cataclysmes, l’homme se sent disposé à l’obéissance.

En un instant, le désordre cessa.

Tous les projecteurs firent converger leurs faisceaux lumineux sur les constructions du sanctuaire taoïste. Les sentinelles reprirent leur faction. Une dizaine de guerriers, choisis par San, s’élancèrent dans la cour.

La cruelle manœuvre du Graveur de Prières devait réussir.

Dodekhan, Lucien, Lotus-Nacré, poursuivis par le feu, à demi asphyxiés par la fumée, durent quitter leur asile. Aussitôt saisis, garrottés, ils se retrouvèrent prisonniers de Log.

Et cependant celui-ci piétinait de rage devant le brasier.

Les bonzes, un à un, ou par groupes gémissants s’étaient échappés des bâtiments en flammes.