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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

malgré l’heure avancée, d’envoyer quelqu’un à l’hôpital.

— À l’hôpital ? redit-elle machinalement.

— Oui, afin que, au plus tôt, M. de la Roche-Sonnaille apprenne que Mme  la Duchesse est aussi bien qu’on peut le désirer.

La malade rouvrit les yeux ; elle eut un doux sourire.

— C’est cela, Mona, allez vite… Des nouvelles comme celle-là sont les meilleurs remèdes.

Déjà le docteur conduisait la jeune fille à la porte.

Sur le seuil, il chuchota à son oreille :

— Pleurez, mon enfant, pleurez… mais ne revenez qu’une fois les yeux bien secs. Qu’un soupçon de la vérité n’effleure pas votre amie !

Il avait refermé. Mona était seule dans le corridor. Elle s’appuya au mur, les bras ballants, laissant couler ses larmes, ayant l’impression cruelle et découragée que tout son cœur ruisselait sur ses joues, qu’il fondait, fondait dans sa poitrine, sans cesse rapetissé, laissant à sa place un trou noir.

Et de l’autre côté de la cloison, Sara souriait, tout heureuse du mensonger miracle dont, si près d’elle, sanglotait la malheureuse Mona.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Cinq jours s’écoulèrent ainsi.

Sara pouvait se lever, se traîner jusqu’au fauteuil installé près de la fenêtre.

Ne se doutant pas du supplice qu’elle lui imposait, sans cesse elle interrogeait son amie sur l’état de Lucien, de Dodekhan.

Chaque après-midi, Mona devait disparaître durant deux heures. Elle était censée se rendre à l’hôpital, causer avec les blessés, et quand elle revenait, c’étaient des questions renouvelées toujours. La petite duchesse ne se lassait pas de s’entretenir de l’homme qui dominait sa vie.

Ses yeux avaient repris leur éclat ; une nuance rosée, avant-garde de la santé, s’épanouit sur ses traits, et absorbée par son tendre égoïsme, elle ne s’apercevait pas que sa jeune amie se montrait chaque matin plus pâle ; que ses grands yeux d’azur brillaient de fièvre au milieu d’une meurtrissure sombre.

Mona avait un perpétuel cauchemar, disant les