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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

desséchait leurs lèvres. D’autre part, le duc consultant sa montre, constata qu’elle s’était arrêtée.

Depuis combien de temps les aiguilles avaient-elles cessé de se poursuivre sur le cadran ? Impossible de l’établir. Elles marquaient quatre heures.

Et ce fut une angoisse nouvelle. Il semblait qu’un dernier lien se fût brisé entre ces enterrés vifs et les heureux humains vivant à la surface du sol.

Parfois le découragement naît de détails infimes, auxquels les circonstances exceptionnelles donnent une gravité insoupçonnée.

Lucien marqua cet état d’esprit par cette réflexion :

— Fait-il jour, fait-il nuit maintenant là-haut ?

Que leur importait cela en réalité. Ne devait-il pas leur être indifférent à ces hommes enfouis dans l’obscurité d’une fissure souterraine, que les campagnes fussent éclairées par le soleil ou par les étoiles ?

Pourtant tous frissonnèrent aux paroles du duc. Et Dodekhan, désireux sans doute de faire diversion, prononça d’une voix mal assurée :

— À qui le tour de travailler au trou ?

M. le duc a fait le dernier quart hier… C’est donc à moi.

Joyeux se coula aussitôt dans le boyau, non sans que ses compagnons lui eussent recommandé :

— Attention !… Avance avec prudence… l’inquiétude de tes panthères redouble !

En effet, les félins ne tenaient plus en place. On ne pouvait pas se méprendre à leurs allures ; elles avaient peur… peur de quoi ? Mystère.

Chaque fois que le chemin se trouvait un instant libre, alors que les travailleurs se relevaient, Fred, Zizi, les oreilles rabattues en arrière, disparaissaient dans l’étroit couloir.

Une fois même, après une absence qui parut interminable, elles revinrent, traînant après elles un quartier de venaison.

Elles avaient dû se donner une peine énorme pour faire passer l’objet. La masse recouverte de poils longs et rudes, fut reconnue pour avoir appartenu à un yak ou bœuf thibétain. On l’examina… Les chairs paraissaient avoir été déchirées violemment. Le couteau n’avait pas été employé pour les séparer de l’animal dont elles faisaient auparavant partie.

Mais, en face de ces questions sans réponse, se dressait une affirmation précise. Les prisonniers