Page:Ivoi - Le Maître du drapeau bleu.djvu/367

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
368
LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Puis très digne, ayant réparé le désordre de sa toilette, dont les accidents avaient quelque peu troublé la bonne ordonnance, il rejoignit sa chère Bella et ses invités.

Sans doute pour rendre plus suaves leurs discours, ils continuèrent à ingurgiter, avec une gravité attendrie, les bonbons stomachiques.

Cela dura… nul ne le sait… Est-ce que ceux qui s’adonnent aux divines extases comptent les minutes ? Le soleil éteignit sa lampe d’or, la lune alluma au ciel sa lampe d’urgent et un cortège qui ne manquait pas de majesté se développa entre la maison de refuge des teetootalers et la prison. Les mariés rentraient chez eux.

Oh ! pas bras dessus, bras dessous, c’eût été banal et d’ailleurs impossible, car Bella Butterfly, succombant à l’émotion et à l’absorption des stomachiques, s’était endormie aussi profondément que le lieutenant Bulwer lui-même. Et les deux vaincus du banquet étaient portés sur des claies par des serviteurs respectueux.

Ouf ! Lydias respira en se retrouvant dans son pavillon d’habitation.

Il était marié, totalement marié. La fortune de son épouse lui assurait désormais la vie confortable.

Ces pensées le disposaient à l’indulgence ; il le prouva bien en regardant dormir la sèche personne qui portait à présent son nom :

— Pauvre Bella, dit-il, elle dort comme un trombone ; quel son ! quel son ! Elle ne se doute pas, la frêle créature, de ce qu’a été ma journée.

Et avec expression :

— C’est même très délicat de sa part, de reposer ainsi… je puis prendre le loisir de me remettre des secousses multiples que j’ai subies.

Et s’apitoyant sur sa souffrance :

— Pauvre moi ! Je vais me soigner. Puisque cette chère Bella a la gentillesse de dormir, je vais me lotionner avec le Rummel’s mixture, rien ne vaut le Rummel’s pour vaincre la névralgie.

Tout rempli de prévenances et de compassion pour sa dolente individualité, il alla vers son cabinet de toilette, ouvrit la porte blanche, aux plaques de propreté en cuivre découpé simulant des feuillages.

Mais il se rejeta aussitôt en arrière, avec une exclamation étouffée :