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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Mais ils l’interrompirent pour lui jeter comme un défi ces quatre syllabes :

— Nos cellules !

Du coup, Lydias perdit tout sang-froid.

— Ah ! vous me condamnez à périr par le lacet ; vous n’acceptez ni argent ni liberté, vous vous riez de mes sacrifices ! Vous n’aurez pas la joie de triompher… vous ne rentrerez pas dans vos cachots.

— À votre aise, nous attendrons ici le magistrat chargé de nous interroger.

— Prenez garde ! je vais appeler, rugit le métis hors de lui.

— Prenez garde ! je vais tirer.

Ce disant avec un flegme parfait, Dodekhan visait le directeur.

— Ah ! gémit le fonctionnaire, ce sont des envoyés du diable ! Le diable les reprenne !

Il s’était laissé choir sur un siège. Les prisonniers s’étaient assis autour de lui. Positivement ils avaient l’air de le garder.

Ahuri, terrifié, sa migraine s’accentuant de minute en minute, Lydias se tenait recroquevillé sur lui-même, avec l’impression qu’il tombait en un abîme d’incompréhensible. Soudain il tressaillit.

La lourde porte donnant sur la route venait de s’ouvrir avec un grondement sourd ; le roulement pesant d’une charrette, des piétinements de chevaux se faisaient entendre. Les prisonniers écoutaient aussi.

D’un même mouvement, détenus et directeur se portèrent aux fenêtres donnant sur la cour sablée. Ils regardèrent. Un camion, tiré avec peine par six chevaux et chargé de solives étranges, entrait dans la première cour.

Et comme tous suivaient curieusement les évolutions de l’attelage, le directeur murmura d’un ton surpris :

— Les bois de justice… Pourquoi les bois de justice ? Il n’y a pas d’exécution annoncée.

Ces mots firent courir un frisson sur l’échine des assistants.

Rien n’est plus lugubre que ces solives, sans cesse montées et démontées par ce personnage étrange et sinistre qui s’appelle le bourreau.

Tous considéraient le chariot avec une vague inquiétude. Lydias, éperonné par la curiosité, se pencha au dehors et lança cette question :