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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

naître, à Ki-Lua, un sort semblable au mien… Il est vrai que vous vous en êtes tiré sans blessure… et puis, l’hymen rend stupide, votre ami Dodekhan vous l’affirmera… Enfin, cela vous regarde… je ne prétends pas vous imputer à crime votre cerveau faible, et je le prouve…

— Vous le prouvez ?

— En vous rassurant au sujet de cette chère duchesse. Je ne m’irrite pas de ses interruptions cavalières… et si je ne m’irrite pas, c’est qu’elle a parlé fort justement. Jusqu’à cet instant, vous ne savez mes projets que d’une façon un peu générale.

Il marqua une pause et d’un accent dont ses auditeurs se sentirent cinglés :

— Je vais faire connaître ma volonté, autant du moins qu’il est utile à la réalisation de mes desseins.

Puis, froidement, comme s’il émettait une proposition indifférente :

M. Dodekhan, votre ami, a une occasion unique de vous démontrer son amitié.

— Moi ? s’écria le jeune homme, d’une voix étranglée.

— Vous-même… et l’angoisse que trahit votre organe me fait voir que nous ne sommes pas éloignés de nous comprendre.

Tous écoutaient, le cœur palpitant. Ils devinaient que l’instant grave allait sonner : que les paroles qui seraient prononcées maintenant décideraient de leur sort.

Tendant ses nerfs, le Turkmène parvint à refouler toute trace extérieure de faiblesse. Son beau visage se figea en une immobilité marmoréenne. Dans ses yeux brilla la flamme du dédain :

— J’écoute ce qu’un traître a à dire.

L’insulte ne provoqua pas même la gaieté sinistre du Graveur de Prières…

— Les mots ne peuvent rien contre les faits, dit-il d’une voix calme. Le fait, le voici… Tu es en mon pouvoir.

— Je ne le nie pas.

— Si tu étais seul, je sais que tu braverais. Je rends justice à ton courage. Oui, seul, tu appellerais la mort pour sauvegarder le songe creux d’humanité dont t’a bercé ce pauvre fou que tu appelais ton père.

Dodekhan eut un sourire méprisant :

— Le voleur raille l’honnête homme ; le vieillard