Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Sans doute, pour prouver que ces affirmations ne sont point purement théoriques, c’est lui qui, à la station du railway, s’occupe de l’enregistrement du bagage de la fille de chambre, lui encore qui prend les tickets, first class (1re  classe) s’il vous plaît, et comme Mathiesel rougit de plaisir à la pensée de voyager dans les voitures d’ordinaire réservées aux maîtres, il la plaisante sur sa modestie. Chez une femme de chambre ayant de l’ordre, de l’économie, de la tête et un sentiment de l’éducation, il y a l’étoffe d’une multimillionnaire mistress. Le caprice du hasard crée seul les castes.

La discussion engagée sur un sujet aussi palpitant se continue dans le train. En gare de New-York, tous deux descendent pérorant toujours. Si actionnée à sa controverse qu’elle semble oublier sa malle aux bagages, Mathiesel accompagne le docteur hors de la gare. Là, elle se ressaisit, s’excuse de son indiscrétion. Elle veut réparer en agissant en domestique et appelle du geste une des automobiles qui stationnent en face.

— Je vais installer Monsieur le docteur moi-même.

L’homme à la barbe fauve a un sourire béat. Évidemment l’attention de la camériste lui est agréable.

L’auto stoppe en face des causeurs.

Le mécanicien installé au volant est un gaillard robuste. Est-ce une idée ? On dirait qu’il considère la femme de chambre avec une envie immodérée de rire.

Vraiment il cligne des paupières d’un air d’entente.

Mathiesel semble ne rien voir. Elle a ouvert la portière, s’est effacée pour laisser passer M. Meulen. Celui-ci escalade le marchepied.

Soudain il a l’impression que des bras glissent le long des siens. Il sent aux poignets un contact métallique et froid, il subit une irrésistible poussée, tombe assis sur la banquette, tandis que l’automobile démarre en vitesse.

Et quand il regarde effaré, ne comprenant pas ce qui lui advient, il s’aperçoit que ses mains sont immobilisées par des menottes. En face de lui, Mathiesel maintient de la main gauche l’instrument qui le réduit à l’impuissance, et de la droite, elle dirige vers son crâne le canon d’un revolver.

Qu’est-ce que cela signifie ? qu’est-ce que cette fille de chambre qui applique les menottes et manie le revolver aussi tranquillement que ses collègues tirent une aiguille ?