Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/216

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lantes avaient obscurci ses regards. Tout bas, elle avait murmuré :

— Mais je l’aime !

Et ce matin-là, tout en parcourant les allées du jardin, elle se redisait à mi-voix les paroles lui apportant une consolation :

— Oui, je l’aime… Oh ! quand reverrai-je mon père, pour le supplier de consentir… ?

Elle se prit à rire.

— Consentir ! Peut-il seulement avoir l’idée de résister, lui qui n’a cessé de gâter sa Fleuriane ?

Une grimace lui échappa.

Au détour de l’allée, la dame de compagnie, Patorne, se montrait.

Une robe prétentieuse, surchargée de dentelles, de flots de rubans multicolores, un chapeau inénarrable, lui assuraient l’aspect le plus hétéroclitement comique qu’il fût possible de rêver.

Ce qui ne l’empêchait pas de marcher d’un air conquérant, de contorsionner son visage anguleux en minauderies horribles.

— Ah ! ma chère, fit-elle en prenant des poses, M. Larmette, qui vient de prendre le premier lunch en ma compagnie, est vraiment le plus aimable des hommes.

— Je n’en doute pas, répondit sèchement son interlocutrice.

Mais l’accent plutôt froid de la jeune fille lui valut cette riposte inattendue :

— Oh ! je sais, vous êtes irritée contre lui… Vous êtes habituée à accaparer tous les hommages, et vous lui en voulez d’avoir fixé son attention sur la pauvre isolée créature que je suis. Laissez-moi vous dire que cela est mal. Que vous importe une exception, une petite exception ? Cela n’est rien pour vous et me donne le bonheur.

Avant que Mlle Defrance eût pu répondre à cette sortie si peu justifiée, Patorne poursuivit avec volubilité :

— Mais je suis trop heureuse pour vous faire une scène de reproches. Je parlais de l’amabilité de M. Larmette… Il craint que notre nouveau mécanicien ne soit pas bien au courant des opérations d’embarquement des automobiles. Aussi, cet après-midi, lui-même veillera au transport à bord du White-Bird de sa Botera et de notre trente chevaux. Vous voyez