Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/269

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— Quoi, vous non plus ?

Il demeura muet, comprenant ce que ces simples paroles contenaient de souffrance inexprimée, et se sentant incapable de la réponse rassurante mendiée par Fleuriane.

Soudain, tous deux tressautèrent.

Une voix légère comme un souffle venait de murmurer tout près d’eux :

— Écoutez, on vient.

C’était Jean Brot qui avait quitté ses fourrures et se rapprochait de la meurtrière permettant de voir au dehors. D’un seul mouvement, M. Defrance et sa fille furent sur leurs pieds. Ils joignirent le gamin.

Et comme ils prêtaient l’oreille, ils perçurent un bruit de pas assourdis ; seulement cela ne résonnait point dans le cirque rocheux. On eût cru que le son se produisait en haut des rochers, dans le voisinage des crêtes dentelées se découpant capricieusement sur le ciel.

— Oui, oui, on vient, s’exclama Fleuriane, passant du désespoir à l’espérance, c’est lui !

Des grondements irrités s’élèvent tout près de la caverne.

Ce sont les ours réfugiés dans la portion de terrain invisible de la meurtrière, qui révèlent leur présence.

Tout à coup, une lueur rougeâtre emplit le cirque.

Des broussailles enflammées, précipitées du faîte, étendent un rideau de sang devant l’issue reliant la petite plaine encaissée vers l’extérieur.

Les ours sont enfermés comme en un piège géant.

Et puis des détonations crépitent sur les hauteurs qui se couronnent de jets de feu. Il y a des cris, des hurlements de mort, des grondements de rage. Les fauves galopent, éperdus, faisant résonner sous leurs larges pattes le sol, qui se parsème de plaques rouges.

Et la fusillade redouble. De leur observatoire, les prisonniers assistent à une scène que l’on croirait issue d’un cauchemar.

Des ours dressés en des attitudes de fureur, battant l’air de leurs pattes, cherchant à masquer de leurs griffes les trous béants que les balles creusent dans leurs chairs. Et leur sang gicle, jetant des notes écarlates sur la neige, qui rougeoie déjà sous les clartés du brasier barrant l’entrée du cirque.

Enfin, tout se tait. Les fusils cessent de tonner. Les ours sont morts…

Le brasier est dispersé par des mains invisibles. Des silhouettes humaines accourent, renversent la