Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/400

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Nège oublia la réception officielle, la tenue pleine de réserve imposée par les protocoles aux jeunes filles de sa condition, et, faisant un pas en avant, elle s’écria, les sourcils froncés :

— Argata Gratamoff a refusé de venir ?

Le cavalier secoua la tête avec acharnement, en homme qui ne veut pas voir s’accréditer une erreur.

— Elle ne refuse pas, la pauvre et respectable dame. C’est le docteur qui refuse.

— Comment, le docteur ? Que vient faire là dedans le docteur ?

— Ce qu’il fait, Barine ? Il soigne Argata Gratamoff.

— Il la soigne ?

— Oui, parce qu’elle est au lit et qu’elle souffre. Elle est malade.

Tous les assistants prirent des mines apitoyées.

Ils savaient que Nège était une enfant gâtée, et ils comprenaient combien un pareil contretemps devait irriter la jolie personne, accoutumée à ne rencontrer aucune résistance à ses volontés.

Cependant, le comte Aïarouseff, plus navré encore que les autres d’une déception atteignant sa fille, s’écria :

— Enfin. Yégor, explique-toi, mon brave.

— Que dois-je expliquer, Excellence ?

— Depuis quand Argata Gratamoff est-elle souffrante ? Pourquoi n’a-t-elle pas prévenu ?

— Le mal la prise pendant la promenade au parc de Bjorsky. Au retour elle a dû s’aliter.

Nège avait déchiré son mouchoir qu’elle tenait entre ses mains nerveusement agitées.

— Soit ! fit-elle. Argata ne peut venir. Rien ne l’empêche d’envoyer mes camarades par une sous-maîtresse.

— Impossible Barine. Les deux sous-maîtresses sont malades aussi.

— Hein ?

Du coup, l’assistance marqua un intérêt réel. Cela devenait curieux, en vérité.

— Mais, par les saintes Images, clama Nège furieuse, tout le pensionnat n’est point atteint par une épidémie ?

— Si, barine, si, répliqua respectueusement le cosaque.

Il y eut un moment de stupeur. Quoi ? toute l’institution frappée en même temps ? Et Nège, déchiquetant à présent son éventail, reprit :