Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/117

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En voyage, il se faut accoutumer à ces menus désagréments qui, selon l’admirable expression du philosophe, forment le cœur et l’esprit.

Ils déforment bien quelque peu le physique. Il est certain qu’un nez violacé, tuméfié, gonflé comme le bulbe comestible de Parmentier, ne prête pas à la physionomie un charme vainqueur ; mais, dans l’espèce, ces traces d’une rencontre brusque de l’organe olfactif avec la terre nourricière des humains, perdaient beaucoup de leur importance.

Ce n’était point sur ses attraits périssables que comptait Niclauss pour obtenir la main de la blonde Lisbeth. L’agrément de la jeune fille reposait sur des qualités plus solides, des qualités sonnantes et trébuchantes, actuellement enfermées dans le coffre-fort de l’oncle François.

Aussi, après quelques exclamations douloureuses :

— Mon front ! Oïe ! oïe ! oïe !

— Mon nez ! Oh ! là ! là !

— J’ai une bosse grosse comme le poing !

— Mon nez enfle comme une truffe !

Les victimes de l’accident se calmèrent peu à peu et reprirent la conversation si brusquement interrompue.

Oh ! ils étaient tout à leurs combinaisons financières. Pas une seconde, ils n’eurent l’idée d’admirer le paysage.

Et pourtant la nature malaise vaut la peine d’être regardée.

La route avait dépassé la limite des plantations Gravelotte.

Elle courait maintenant à travers une vallée verdoyante, entre un double rempart de buissons enchevêtrés, vêtus non de feuilles mais de fleurs multicolores.

La litière allait rapide entre deux immenses bouquets. L’air semblait alourdi de parfums pénétrants. Une sorte d’ivresse naissait de ces émanations capiteuses, les regards se voilaient, la parole se faisait moins assurée, la pensée moins précise.

Un demi-sommeil, embaumé et fantastique, plongeait les Européens dans un engourdissement délicieux.

À chaque instant, des flèches d’or semblaient tra-