Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/130

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nir. À trois pas d’elle, il s’arrêta, salua lentement, comme si lui-même cherchait de quelle façon il entamerait l’entretien, puis d’une voix un peu hésitante :

— Mademoiselle, commença-t-il.

Ce fut Rana qui l’interrompit :

— Ma fille ne comprend pas la langue des seigneurs blancs. Je suis son père et son interprète quand le hasard l’oblige à une conversation avec les gens d’au delà les mers.

— Ah ! elle ne comprend pas.

Ceci fût dit avec une petite pointe de tristesse.

— Alors, je me trompais.

Albin allait s’éloigner. Quelle curiosité piqua à ce moment la nourrice ? Il est difficile de deviner le mobile des actes de la fantasque créature, mais elle retint le Français :

— Vous vous trompiez… en quoi ?

— En ceci : je croyais que Mademoiselle parlait la langue de mon pays.

— Erreur. Pourquoi croire cela ?

— Parce que je pensais une fois déjà l’avoir entendue.

— C’est impossible.

Albin secoua la tête :

— Je le crois… Je me trompe sûrement… Celle dont je parle avait le teint doré ; elle n’était sûrement pas teinturière… Seulement, vieillard, ce qui me trouble, c’est que lorsque ta fille me regarde, il me semble que je sens sur moi les yeux de l’autre.

— Les dieux n’ont point de peine à créer des yeux semblables.

— Ta remarque est sage, vieillard. J’aurais dû l’énoncer moi-même. Et cependant, si cette jeune fille relevait ses paupières qu’elle tient baissées à présent ; si son regard se fixait sur moi, mon illusion me reprendrait.

Il fit un pas en arrière.

— Je vais assister à l’épreuve de l’homme qui me dispute la main de ta fille.

Gravement Rana approuva du geste.

Albin s’éloigna pensif. Évidemment, malgré tout, il lui restait un étonnement pénible.

Bizarre, en effet, était sa situation. Au milieu d’une