Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/333

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« Les officiers présents furent pendus sous nos yeux. Moi qui ai les nerfs si sensibles, j’ai pensé mourir.

« Hélas ! cela n’était rien encore.

« Cette tuerie terminée, ce monstre (il nous connaissait tous, nom, prénoms, situation, rien ne lui était caché) :

« — Señores, señoras, nous dit-il, j’ai dû mettre à mort ceux qui combattent contre le peuple philippin. Pour vous, vous êtes, soit des négociants paisibles, soit de faibles femmes, il ne vous sera fait aucun mal. Seulement, nous qui tenons la campagne, nous que les oppresseurs retiennent loin des villes, nous avons besoin d’armes, de poudre, de plomb pour combattre le bon combat de l’indépendance. La cause est trop belle pour que je regrette de vous frapper d’un léger tribut, une légère rançon. C’est à la Liberté que vous en ferez hommage.

« Puis, passant près de chacun des prisonniers, notant les chiffres sur une feuille de papier :

« — Ah ! ah ! Bartolomeo Sanchez, Espagnol, méprisant les métis. Affaires de coton prospères… Bartolomeo, je vous impose de deux cents piastres, je suis modéré.

« À une autre, il disait :

« — Nathan Salmer… opium et thés… bonne maison, je vous frappe également de deux cents piastres comme commerçant… Comme Américain, nous ajouterons trois cents piastres, au total cinq cents.

« Puis, saluant cérémonieusement une jolie señorita :

« — Oh ! oh ! la señorita Carmen, la perle de Manille. Vous êtes fiancée au señor Doriado ; je dois lui demander beaucoup pour lui rendre un pareil trésor, sans cela il me jugerait dépourvu de goût et me garderait rancune. Voyons, mille piastres.

« Ainsi, il passa devant chacune et chacun. Il ne restait plus à taxer qu’une chula qui nous avait accompagnés pour le service, et moi-même.

« — Préparez les lettres utiles pour que votre rançon soit payée dans les vingt-quatre heures, ordonna Morales. Ces deux femmes les porteront à leur adresse.

« La chula se récrie aussitôt :

« — Ne te plains pas, petite, lui dit galamment le misérable. Tu es jolie comme un cœur. Riche, je te