Mrs. Doodee. Elle mit la main au réticule qui renfermait son porte-monnaie.
La femme fit un geste de dénégation.
— Ambrosella ne mendie pas.
— Pardon, commença l’Anglaise avec une légère rougeur…
La Philippine ne la laissa point continuer.
— On n’a point à s’excuser d’un mouvement qui prouve un cœur compatissant. La señora est étrangère. Elle ignore qu’Ambrosella gagne les tortillas (galettes) de maïs et de riz, dont elle se nourrit.
— Alors que voulez-vous de moi ?
— De vous ? Rien, señorita. Si je me suis trouvée sur votre route, c’est que j’avais promis à un blessé, cloué sur un lit de douleur, de vous apporter sa parole.
— Un blessé ? De qui parlez-vous ?
Ambrosella joignit les mains.
— Il est jeune et beau. Ses yeux ont la douceur d’un clair de lune. Un coup de feu a troué son épaule, mais la souffrance n’engourdit pas l’esprit des braves. Je veillais à son chevet, élevant la gourde de lait de coco jusqu’à sa lèvre altérée. Alors il m’a dit : « Ambrosella, va sur le port. Sache si le Jacinto est arrivé. Si oui, informe-toi, je ne veux te revoir qu’avec la réponse. À bord, il y a deux dames anglaises… Où sont-elles, descendues ?… »
— Deux dames anglaises, répéta Eléna désignant successivement Mable, puis elle-même.
Son interlocutrice eut un rire argentin.
— Deux, oui : mais une seule peut occuper le cœur d’un beau cavalier……
Et sans prendre garde à l’air courroucé de la demoiselle de compagnie, qui, en dépit de son peu de prétention, se sentait blessée que l’on fit si peu de cas de ses charmes, l’indigène reprit :
— C’est vous, n’est-ce pas, qui portez ce nom doux comme un chant de voceri (espèce de rossignol) : Eléna ?
— En effet.
— C’est donc à vous que s’adresse mon message.
Elle prit un temps, puis abaissant la voix :
— Il m’a dit « Va auprès d’elle, supplie-la de se souvenir du voyage de Batavia à Djokjokarta, du Kraton du Sultan, de la solfatare du Mérapi. »