Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/344

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Une agitation subite prit Mrs. Doodee. Ces noms lui rappelaient Albin. Tout comme le reste, la conduite du jeune homme lui était apparue inexplicable. Néanmoins, son court entretien, le soir du départ forcé de Batavia, lui était resté en mémoire, et aussi les lettres par lesquelles elle jalonnait la route.

— Est-ce que je répète mal les mots qu’il m’a fait apprendre ? questionna Ambrosella. Cela est possible, car ils n’ont pas de sens pour moi.

Eléna la rassura d’un sourire.

— Non, non, vous les redites bien ; mais continuez, je vous prie.

Le visage de la brune Manillaise s’éclaira : — Il m’avait affirmé que la señora comprendrait. « Je ne puis aller à sa rencontre, a-t-il ajouté ; mais si elle n’a rien oublié, elle viendra près de moi. Je lui expliquerai la fatalité qui pesait sur nous. À présent, plus rien ne peut nous séparer, sauf sa volonté. »

Elle rougit, Mrs. Doodee, et Mable, discrète comme toute demoiselle de compagnie, prit l’air indifférent d’une femme qui n’écoute pas, bien qu’elle n’eût perdu aucune des paroles prononcées.

— Est-ce loin ? murmura Eléna, d’une voix incertaine.

— Non, le corricolan nous conduira en une demi-heure.

— Vous dites ?

— Le corricolan… c’est la voiture du pays à deux roues ; avec elle, on passe partout.

Une lutte se livra dans l’esprit de la petite Anglaise, entre le désir de voir Albin et sa réserve saxonne. Cette dernière fut vaincue. Tout en se confiant que la démarche serait déplacée, Eléna prononça :

— Conduisez-nous, Ambrosella.

Sa bonne éducation lui conseillait de rattraper cet acquiescement non dissimulé ; aussi, Ambrosella s’étant mise en marche d’un pas rapide, l’Anglaise se lança à sa poursuite ; mais la Manillaise allait d’une allure si preste que toutes deux atteignirent le Corricolan, arrêté à l’angle d’une rue, sans que l’aimable veuve eût pu placer un mot.

Et là, elle n’eut pas le courage de se dédire.

Sa conductrice désignait la voiture d’un geste si