Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/400

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— Si j’étais seul, je dirais comme vous, chère cousine, mais…

— Mais quoi ?

— À présent, un combat me ferait peur.

— Peur !… Ah ! mon père prétend que ce mot-là n’a pas de sens pour un Français.

Et elle s’arrête. Elle rougit. Dans les yeux de son interlocuteur, elle a vu passer une palpitation, qui lui a appris comment la peur naît chez le plus brave. Elle sait, maintenant que c’est pour elle, pour elle seule, qu’Albin tremble.

Chose bizarre, Lisbeth qui, à quelques pas, s’entretient avec Morlaix, Lisbetih elle aussi est toute rose. Rien ne les gêne à cette heure.

Aux premiers mots présageant un combat, Fleck et Niclauss se sont prudemment esquivés. Ils ont couru s’enfermer dans une cabine, et là, ils déclament contre la guerre, ils vantent les beautés d’un désarmement des peuples devenus frères. Ils se montrent très humanitaires, excellent moyen, croient beaucoup de gens, de cacher leur couardise, leur lâcheté.

Mais le temps s’écoule sans que la situation se modifie.

Le commandant du Varyag fait changer la route de son navire, de façon à se rapprocher du vaisseau mystérieux.

Tentative vaine. Ce dernier exécute la même manœuvre.

— Forcez les feux.

À cet ordre monte des machines le fracas des masses de charbon précipitées dans les foyers ; le vent s’engouffre dans les manches à air avec des sifflements. Les feux ronflent ; d’épais nuages de fumée noire jaillissent dés cheminées.

Cela décèle sans doute au vapeur inconnu que le Varyag va accélérer sa marche. Là-bas aussi la fumée devient plus intense, et l’observateur qui a placé un fil sur le verre de sa lunette constate que la marche des vaisseaux reste identique.

C’est de la rage qui envahit tout le monde.

A-t-on affaire à un steamer enchanté ? Qu’est ce bateau qui parait narguer le Varyag ? Le croiseur russe est un excellent marcheur, il a donné aux essais vingt-trois nœuds et demi, et l’autre donne la même vitesse.