Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/412

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militaire), répondit le gouverneur. Que désires-tu de ton esclave ?

Kuroki sourit à Oraï.

Il avait l’air de lui dire :

— Tu vois combien nous autres, Japonais, sommes considérés en ce pays. Tu vois que nous sommes les maîtres et les chefs.

Puis gravement :

— Mandarin, digne de la Plume de Paon et de la Casaque Jaune[1], je te présente un de nos frères de Malaisie qui aura besoin de ton concours.

— De mon concours. Que pourrais-je, moi, faible fonctionnaire, pour ce frère qui a déjà ta toute-puissante protection.

— Tu pourras faire ce qu’il te demandera.

Le Coréen eut un soubresaut.

Sa tête s’agita lentement. Une expression de défiance rusée se peignit sur ses traits.

— Et que souhaite-t-il, car enfin, Confucius l’a dit, avant de promettre, le sage doit réfléchir, il doit avoir pesé la difficulté qu’il s’engage à aplanir, il doit…

Toute la diplomatie jaune apparaissait dans ces paroles. Pour les extrêmes orientaux, en effet, deux mots symbolisent l’habileté : atermoyer, surprendre.

Mais l’officier nippon arrêta le discours commencé.

— Le Sage, fit-il d’une voix ferme, doit songer qu’avant peu le mikado sera maître ici ; et alors, un simple raisonnement guidera ses actions. S’il résiste, il sera privé de ses fonctions, chose réparable, mais probablement aussi de la tête, ce qui ne saurait se réparer.

Le mandarin avait pâli.

— De la tête, seigneur Samouraï ?

— Ma foi, oui. Tandis que s’il est obéissant et fidèle, il obtiendra titres, honneurs, félicités de toute espèce, sans compter qu’après sa mort, notre Boudha vénéré le récompensera du bien qu’il aura fait aux hommes à peau de safran, lesquels sont les plus intelligents, les plus braves, les plus aimés des dix mille Boudhas dont la pagode est à Péking, dont le glaive est aux mains des Nippons.

— Sans aucun doute, le gouverneur comprit la néces-

  1. Honneurs suprêmes dans tous les pays chinois et coréens.