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MISS MOUSQUETERR.

Une heure quarante-cinq à l’horloge intérieure de la gare. Dans quinze minutes le train pour Nice et Vintimille va partir.

Les voyageurs se hâtent, affairés, nerveux, précédant de plusieurs mètres les amis ou parents venus pour les accompagner, pour leur jeter le dernier adieu amical au moment du démarrage du train.

Miss Violet Mousqueterr, gentille au possible dans une simple robe d’alpaga, paraît escortée par John plus rougeoyant que jamais et par Max, sur le visage de qui la séparation toute proche met une nuance de mélancolie. Voici un compartiment, avec un coin inoccupé. La jeune fille y monte. John la suit. Il veut disposer dans le filet les menus bagages de la mignonne Anglaise. Et cependant, le romancier, demeuré sur le quai, examine les voyageurs, les employés. Il cherche à deviner lequel est l’espion, le Masque Jaune qui va suivre la jeune fille.

Car, il n’en doute pas, le plan qu’il a élaboré est bon. Trois Masques Jaunes pour trois voyageurs allant dans des directions diverses. Chacun doit donc entraîner dans son orbite un satellite chargé de le surveiller.

Et seulement pour se démontrer qu’il avait raisonné juste, il eût voulu deviner l’ennemi ; mais deviner est difficile, et il en était réduit à cela puisqu’il n’avait aperçu le visage que d’un seul, de ce Félix, cocher improvisé sans doute et qui avait dû se grimer pour la circonstance.

Pourtant Il interrompit un instant son infructueuse recherche. Lobster agenouillé sur la banquette, les bras levés en l’air, arrangeait avec un soin méticuleux le bagage de Violet. Max murmura :

— Vous avez bien emporté le verrou de cuivre que je vous ai rapporté ce matin ?

— L’automatique ? Oui, et je vous remercie.

— N’oubliez pas de le poser chaque soir à la porte de la chambre que vous occuperez.

— Soyez assuré, je n’oublierai pas.

Et Lobster, son installation terminée, se retournant, les jeunes gens ne parlèrent plus. Un employé courait le long du train, clamant :

— Ligne de Vintimille en voiture.

Sir John descendit sur le quai. Dans le bourdonnement des adieux, le retentissement des portières fermées avec fracas, un coup de sifflet strident vibra sous le hall de la gare. Le train partait.

Lentement il se mit en marche. Penchée à la portière, Violet saluait de la main ceux qui restaient.

— Maintenant, mon esprit est en repos, fit joyeusement sir John. Je vais