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MISS MOUSQUETERR.

le régiment campé en ce point. L’officier les reçut avec cette politesse souriante qui caractérise l’armée russe, mais sur leur déclaration qu’ils désiraient garder l’incognito, son visage se rembrunit.

— Je dois vous prévenir que mes instructions m’interdisent de le respecter.

— Vos instructions ! s’exclama Sara. Étiez-vous donc averti de notre arrivée ?

— Non, Madame, mais je suis ici avec ma troupe en « cordon sanitaire ». Je dois empêcher de passer.

Tous se regardèrent surpris. Et le colonel baissant la voix :

— Je vois bien que mes prisonniers appartiennent au meilleur monde ; je reconnais même parmi vous des Français et des Anglais ; seulement toute la côte de la mer Noire est au pouvoir des révolutionnaires. Partout on pille, on massacre. Des marins, des soldats se sont mutinés, joints aux rebelles, c’est une peste politique qui sévit, et mon rôle est d’empêcher la propagation vers le Nord, en… isolant le mal. Je vous donne ces explications pour vous bien montrer que je ne puis vous remettre en liberté qu’à bon escient.

Tous considérèrent la duchesse. Sur le visage de la courageuse petite brune, une indécision se peignit, puis brusquement elle parut prendre une décision.

— Colonel, fit-elle, je vous suis reconnaissante de votre courtoisie, mes motifs sont donc bien puissants qu’ils m’empêchent d’y répondre par la plus entière confiance. Je préfère rester votre prisonnière à divulguer mon nom.

Et l’officier faisant un geste de surprise, elle continua :

— Gardez-nous donc. D’un instant à l’autre, je l’espère, le calme se rétablira. Vous serez alors relevé de votre consigne et vous nous permettrez de continuer notre route, non sans nous connaître. Alors, en effet, vous ne serez plus tenu de fournir un rapport, et je serai heureuse, de confier à votre honneur de galant homme, le secret que je ne veux pas révéler en ce moment à l’officier en service commandé.

— Pardon, pardon, moi, je ne consens pas à l’incarcération.

Sir John protestait. Mais sa réclamation s’acheva dans une plainte. Max venait de lui décocher un coup de pied sur le tibia, et il lui glissait à l’oreille :

— Les Masques Jaunes sont d’accord avec les révolutionnaires. Si vous parlez, cet officier du tsar n’a plus qu’à vous faire fusiller.

Ce qui donna au faciès du représentant de la Chambre des Communes une