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MISS MOUSQUETERR.

Dodekhan opine du geste.

— La veille va commencer. Actionnons les appareils électro-telluriques qui mettront le camp anglo-russe à l’abri de toute surprise.

Les deux hommes se serrent la main, en proie à une émotion qu’ils ne peuvent dominer.

La partie suprême, ils l’espèrent du moins, va s’engager. Ils vont au téléphote, l’actionnent. Sans doute l’écran a été repéré déjà ; car, dans un paysage de nuit, paraît aussitôt le cratère éteint où dort le camp des régiments, envoyés d’Europe.

Mais soudain, Dodekhan prête l’oreille. Lucien écoute également.

Des pas, éloignés encore, résonnent dans les galeries accédant au sanctuaire.

Que signifie cela ? Qui vient à cette heure tardive ?

À l’ordinaire, les geôliers font trêve après le repas du soir. Pourquoi donc ce changement à leurs habitudes ?

Un tour de roue, les images s’effacent sur l’écran. Il était temps. Un groupe de Graveurs de Prières, de Masques Jaunes, fait irruption dans le temple, escortant un gros homme, rouge de teint, incandescent de cheveux, qui souffle, s’agite, se presse, sanglé en un complet de coupe européenne.

Les Asiates ne crient pas, ne profèrent nulle invective à l’adresse des prisonniers.

Ils sont respectueux, empressés autour de l’étranger. Ils lui désignent l’autel, le Réduit Central, la baie de communication.

Puis, sur un geste de lui, ils se retirent processionnellement, le laissant seul, éclairé par une lourde lampe dont le bronze se contorsionne en forme de dragon.

Les prisonniers se regardent interdits.

Évidemment, ils se demandent ce que veut ce personnage inconnu, s’il va demeurer là, s’il va les troubler par sa présence importune dans l’accomplissement de leur œuvre de protection.

Mais la réponse leur arrive aussitôt.

L’inconnu s’assure qu’il est bien seul dans le sanctuaire, puis il s’approche de la baie ouverte sur le réduit, en homme averti qu’il ne fait pas bon en être trop près, et avec un accent britannique des plus prononcés :

— Je donne le bonsoir, gentlemen, je dois dépenser ma vie le long de vous quelques jours durant. Aussi je présente, pour la correction des relations.

Se figeant en une attitude burlesque qu’il juge sans doute avantageuse, le singulier visiteur ajoute :

— Sir John Lobster, Représentant du Collège électoral de Beggingbridge