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UN ENFER SCIENTIFIQUE.

— Oh vous ! Vous !

Le gentleman n’acheva pas. Mais Dodekhan se chargea de ce soin.

— Je comprends votre pensée. La captivité vous paraît beaucoup moins désagréable pour nous que pour vous.

— Ma foi, mettez-vous à ma place.

— Je n’en ferai rien, Monsieur Lobster. Toutefois, je vous donnerai un bon conseil. Demeurez paisible. Car vous serez captif aussi longtemps que nous.

— Hélas ! c’est ma mort ! Je mourrai privé de liberté.

— Non, vous ne ferez pas cela, Monsieur Lobster.

— Et pourquoi donc ? questionna le représentant de Beggingbridge, avec l’espoir vague que l’idée de son trépas amènerait Dodekhan à composition.

— Vous ne le ferez pas, déclara gravement son interlocuteur parce que votre convenabilité s’y oppose.

— Ma convenabilité ?

— Sans doute ! Il est malpropre de s’amuser à mourir en société.

Cette fois, Lobster comprit. On se moquait de lui. Sa colère se ralluma, plus bruyante, plus agitée que jamais. Seulement, il n’y gagna qu’un surcroît de fatigue, car ses compagnons assistèrent impassibles aux manifestations variées de sa rage.

Rien ne les put faire sortir de leur calme. Bien plus, les invectives, les menaces de Lobster parurent les égayer prodigieusement.

Et lorsque les fanatiques geôliers, à l’heure où ils apportèrent le repas, entonnèrent leur habituel concert d’injures au Maître du Drapeau Bleu, celui-ci sembla ravi d’entendre l’Anglais exécuter un remarquable solo dans ce genre.

Les Asiates, le Saxon hurlaient à l’envi. Jamais assurément le temple souterrain n’avait contenu pareils virtuoses.

Mais tout, a une fin. Les geôliers se retirèrent bientôt, ainsi le prescrivait leur service, et ce, dans le but de permettre aux prisonniers de transporter la manne aux vivres dans le Réduit Central.

Alors, Lobster, maintenu par Lucien qui le menace de son propre revolver, sent son irritation grandir jusqu’au délire. Sous ses yeux, sans qu’il lui soit permis de le suivre, Dodekhan passe dans le temple, ramasse le récipient de vannerie qui contient le dîner des prisonniers, revient et rétablit la clôture électrique.

Pourtant, le gentleman a tant crié que ses forces trahissent son désir. Il s’est enroué, et ses clameurs piteuses, rauques, pénibles, le découragent. Il se tait et consent à accepter sa part de nourriture.