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LES FRANCS-MAÇONS CHINOIS.

légère piqûre, puis il boit le tout d’un seul trait et la Tien-Taï compte un fidèle de plus.

— Bon, interrompit Aurett, je constate que le ridicule est de tous les pays.

Le sourire des auditeurs prouvait qu’ils partageaient l’appréciation de la jeune fille, mais sir Murlyton secoua la tête.

— Vous avez tort, Aurett, dit-il, vous jugez légèrement. Ces mômeries, destinées à frapper l’esprit des simples, cachent des projets terribles pour le gouvernement chinois. Tout adhérent à la Tien-Taï s’engage à n’avoir jamais recours aux autorités chinoises, à ne comparaître même comme témoin devant aucun tribunal. Il ne doit réclamer justice qu’au Grand-Maître de sa loge. Les sentences prononcées par ce dignitaire sont exécutées par les affiliés ; et la puissance de la Société, qui chiffre ses adhérents par millions, est telle que les mandarins n’osent sévir contre elle. Comprenez-vous qu’il ne faut pas railler une association dont le but avéré est de chasser les conquérants mandchous et qui a déjà inspiré à ses ennemis une crainte telle que ses membres sont assurés de l’impunité ?

— Ma foi, s’écria le capitaine, je ne saurais mieux vous remercier de votre conférence qu’en priant mademoiselle de conserver ce document ; il a un intérêt de curiosité, sans compter que le facteur qui l’a apporté à bord n’est pas banal.

Aurett accepta sans se faire prier. Le parchemin chinois ferait bien dans la collection de ses « souvenirs » qu’elle avait réunis, comme toute Anglaise voyageuse, et M. Mathew avait raison, la façon dont il était parvenu à bord lui donnait un véritable prix.

Huit heures plus tard, les passagers entendaient avec joie annoncer la terre.

Le Heavenway était en vue du port d’Honolulu, le meilleur mouillage des îles Sandwich ou Hawaï.